La question du libre choix traverse l’histoire de la philosophie, de la psychologie et des thérapies modernes. Peut-on réellement choisir sa vie ? Sommes-nous condamnés à subir les injonctions de la société, les attentes de nos proches, ou les contraintes matérielles?
Dans son ouvrage Suis le chemin qui mène à ta liberté, le psychiatre et psychothérapeute Jorge Bucay rappelle une vérité essentielle : même lorsque nous pensons ne pas avoir d’alternative, il nous reste toujours la possibilité de choisir. Ce constat, simple en apparence, ouvre un champ immense de responsabilité personnelle et de liberté intérieure.
L’illusion du « je n’ai pas le choix »
Dans le quotidien, beaucoup de gens vivent sous l’impression qu’ils ne sont pas libres. Les lois, règles morales, normes sociales, mais aussi le poids des traditions ou des relations familiales, semblent dicter la marche à suivre. Pourtant, à bien y regarder, ces contraintes n’empêchent pas l’acte de décider : elles posent simplement un cadre, auquel nous pouvons adhérer ou que nous pouvons contester.

Certes, chaque choix entraîne des conséquences — parfois lourdes, parfois tragiques. Mais reconnaître que «la décision finale m’appartient» est déjà un pas vers une plus grande autonomie psychologique.
En psychothérapie, cette prise de conscience constitue souvent un tournant : elle marque le passage d’un rôle de victime passive à celui d’acteur de sa propre vie.
Les croyances limitantes : racines invisibles de nos entraves
Pourquoi tant de personnes peinent-elles à exercer leur liberté de choix ? La réponse réside dans nos croyances limitantes et nos schémas inconscients. La peur de décevoir, l’angoisse du jugement, la soumission aux rapports de pouvoir, ou encore la fidélité excessive aux attentes familiales sont autant de freins invisibles.
Les recherches en psychologie cognitive et en neurosciences montrent que nos décisions sont fortement influencées par ces représentations internes. Elles créent une « carte du monde » qui restreint le champ du possible. Prendre conscience de ces mécanismes, les explorer en thérapie, c’est déjà agrandir le territoire de sa liberté.
Responsabilité et liberté : une voie exigeante mais libératrice
Prendre la responsabilité de sa vie, c’est accepter que, même si nos décisions ne sont pas parfaites, elles nous appartiennent. Cette perspective peut sembler douloureuse au départ, car elle implique de regarder en face sa part d’ombre et ses conditionnements. Mais elle ouvre aussi un espace de transformation.

Une femme pourrait dire : « Je ne peux pas sortir le soir, ma famille a besoin de moi. » En réalité, elle fait le choix de rester à la maison. Poser la question « pourquoi je choisis cela ? » peut amener à une libération intérieure : soit en assumant pleinement ce choix en accord avec ses valeurs, soit en découvrant le besoin de rééquilibrer ses priorités.
Quand la liberté se heurte à la dépression
Il serait simpliste de croire que la liberté de choix est toujours pleinement disponible. Certaines pathologies, comme la dépression, viennent profondément perturber ce mécanisme.
La dépression est parfois décrite comme une « maladie de la volonté » : les processus cognitifs sont ralentis, le corps s’épuise, les envies disparaissent. Dans ce contexte, choisir d’agir — même un petit pas, comme sortir marcher dix minutes ou accepter une invitation — peut sembler insurmontable.
La dépression est liée à un dérèglement neurophysiologique et émotionnel. Mais même au cœur de cet état, un espace de décision subsiste : celui de s’ouvrir à l’aide d’un thérapeute, d’un proche, d’un livre inspirant. L’enjeu est alors de refaire chaque jour le choix de continuer et avancer malgré le brouillard et les difficultés, en acceptant que le chemin de guérison sera long et qu’il demande de la persévérance. C’est souvent la curiosité qui aide : « Et si je réussissais, qu’est-ce qui m’attend de l’autre côté ? »
Thérapie et accompagnement : apprendre à redevenir acteur

Dans une démarche de psychothérapie, d’hypnothérapie ou de coaching, l’accent est souvent mis sur la réappropriation du pouvoir personnel. Identifier ses croyances, revisiter son histoire, déconstruire ses conditionnements, apprendre à écouter ses besoins et ses valeurs : tout cela permet de renforcer le sentiment de liberté.
Il s’agit d’un véritable processus d’apprentissage : comment faire des choix conscients, en accord avec ses convictions profondes, et assumer leurs conséquences avec maturité. C’est une étape clé vers une vie plus stable émotionnellement, riche de sens et de sérénité.
Conclusion : choisir, c’est vivre
Reconnaître que nous avons toujours le choix — même restreint, même difficile — est une des clés de l’épanouissement personnel. Cela ne signifie pas que tout est possible ni que les obstacles disparaissent, mais que chacun peut redevenir l’auteur de son existence.
En thérapie comme dans le quotidien, cultiver cette conscience ouvre la porte à une liberté intérieure, à une plus grande responsabilité émotionnelle, et à une vie plus alignée avec nos valeurs profondes.
Et si, à chaque instant, la véritable question n’était pas « ai-je le choix ? », mais plutôt :
« Quel choix suis-je prêt à assumer aujourd’hui pour avancer sur mon chemin de vie ? »